Monday, November 16, 2015

La Vie en Rose


Place de la République. Photo: Marguerite Gallorini

(English version below)

Place de la République. Photo: Marguerite Gallorini
Surprise : aujourd'hui, il y a du monde sur la Place de la République. Contraste avec le petit groupe présent hier, au lendemain des attaques, sous la grisaille et sous les haut-parleurs des policiers invitant les gens à partir : aujourd'hui le temps clément a poussé les gens à sortir un peu plus, revigorés. Un policier, quelque peu désabusé, confirme pourtant que l'interdiction de regroupement est toujours en vigueur jusqu'à jeudi, mais pas de haut-parleurs cette fois. Les forces de l'ordre se contentent de patrouiller au milieu de la foule, quelques camionnettes et motards postés aux quatres coins de la place.

Mais la foire commence. Toutes sortes de personnes s'invitent déjà sur les lieux, avec plus ou moins de décence. Entre les personnes aux yeux rouges et mouchoir à la main, et les couples s'entrelaçant dans la douleur de leur âme, se glissent maintenant les amateurs de selfies, posant devant le mémorial. Les caméras et présentateurs de journaux sont également présents, naturellement. Les plus respectueux d'entre eux restent en marge du monument, les plus téméraires prennent directement place sur la marche du monument, devant les fleurs et bougies des défunts pour une meilleure image. La seule différence entre la réalité et les réseaux sociaux déchaînés, ici, est que la tristesse des familles est palpable et arrive quelque peu à contenir les ardeurs des moins respectueux. Face au monument, à la clarté du soleil d'aujourd'hui,
impossible de se cacher.

Rue Alibert, où se trouve le bar du Carillon et le restaurant du Petit Cambodge attaqués, une petite foule est présente. On peut encore voir des tirs de balles dans les murs, à côté de dessins muraux en mémoire aux victimes. Ici, la seule personne que l'on entend est un présentateur télé allemand qui parle fort juste devant l'autel improvisé, tandis que la foule est en retrait. Quelques photographes n'utilisent pas leur zoom, et s'approchent à 20 cm des bougies pour avoir un meilleur rendu photo, gênant parfois les personnes venues déposer un bouquet ou une bougie. Faire son travail et prendre une bonne photo ne nécessite pas d'être irrespectueux des victimes, c'est juste une question de façon de faire. Mais bien loin de l'ambiance effervescente des conférences de presse, ici personne n'élève la voix contre qui que ce soit. Il semblerait que la douleur est trop grande et engourdit toute animosité.

Rue Alibert, une famille se recueille devant le Carillon.
Photo: Marguerite Gallorini


Un petit effet de pélerinage dans la rue Bichat.
Photo: Marguerite Gallorini
Le ''parcours'' entre les points attaqués ressemble à un pélerinage. Contrairement aux rues vides des alentours, les rues que l'on a entendu encore et encore dans les médias sont pleines de monde : rue Alibert, rue Bichat, rue du Faubourg du Temple, boulevard Voltaire. Le passage Saint-Pierre Amelot, lui, où pourtant des victimes du Bataclan se sont échappées, n'attire apparemment pas beaucoup. Seule une barrière et un policier la protège ; un homme, fleur et passeport à la main, arrive à passer après accord du policier.

Dans la rue Bichat, une famille pleure ensemble, enlacée, loin du mémorial où l'attention est portée. Difficile de retenir ses émotions face à de telles scènes. On passe des larmes aux rires en seulement quelques pas, les magasins des rues mentionnées étant ouverts et bien animés. La vie continue.

Rue du Faubourg du Temple, le bar A La Bonne Bière a son propre petit mémorial également. L'ambiance est bien plus calme, il n'y a d'ailleurs quasiment aucun média. Seulement quelques curieux, naturellement, et des familles de victimes. On sent une odeur d'encens. Les impacts de balle dans la vitre du restaurant Casa Nostra sont encore là. Le Franprix du coin est exceptionnellement ouvert, profitant de la demande pour faire un petit business de vente de fleurs.

Le long du boulevard Renoir menant jusqu'au Bataclan, on croise un bon nombre d'autres pélerins. Un homme au téléphone dit qu'il est déjà venu hier avec un ami, et est revenu aujourd'hui avec son père. Des fleurs et des bougies sont déposées aux deux extrémités du parc faisant face à la salle de concert, l'espace de rue entre le parc et la salle étant fermée au public et gardée par des policiers. Des lignes et des lignes de caméras sont braquées face à la rue, militairement, juste devant les barrières, attendant leurs présentateurs respectifs qui viendront se poster au moment du direct. Des armées de camionnettes sont également garées tout près des mémoriaux, avec des générateurs faisant un boucan incroyable. Mauvaise ironie, il y a tellement de monde qu'il en devient aussi difficile de se déplacer que lors d'un concert. Parmi la foule, un père est suivie de sa fille adolescente, les yeux pleins de larmes. Deux copines se promennent avec un petit panneau ''Free Hugs''.

Un groupe petit groupe improvisé chante,
Place de la République. Photo: Marguerite Gallorini

De retour Place de la République, le petit groupe de musique improvisé il y a quelques heures plus tôt s'est transformé en une joyeuse chorale accompagnée. On se croirait presque à un festival. Ca joue, ça chante, ça rie, le cœur lourd qui se force à la légèreté. Deux jeunes entonnent un ''Vive la France !'' repris à l'unisson par la foule les entourant. ''Vive la République !'', ''Vive la Liberté !'', ''Vive la Fraternité !''. Des rires, puis ça repart sur une autre chanson : ''La Vie en Rose'' d'Edith Piaf. Dans une rue bordant la place, quelqu'un demande à son ami : ''Est-ce qu'il faut se préparer pour la suite ?''. Très certainement, l'Etat doit s'y préparer, et nous ne sommes pas les seuls dans ce cas-là – loin de là. En attendant, le peuple français continue de chanter et de rire, et c'est la meilleure arme qui soit.

Une pensée à toutes les victimes de par le monde.


~ ¤ ~

Surprise : today, there is a lot of people on Place de la République. Contrast with yesterday's small group, on the day following the attacks, under the grey Parisian sky and policemen asking through speakers to leave the scene : today the good weather urged people to go out, invigorated. However a policeman, somewhat disillusioned, confirms that crowding is still banned until next Thursday, but there are no speakers this time. Police forces settle for patrolling within the peaceful mob, with a few vans and motorcycles posted on all four corners of the plaza.

But the fair begins. All sorts of people are already on the spot, with more or less decency. In between red-eyed people holding a tissue and couples trying to forget their pain in an embrace, selfie amateurs already interfere, posing in front of the plaza's monument. Cameras and TV presenters are naturally also present. The most respectful stay in margins, while the most bold take place directly on the monument's step, right in front of the flowers and candles for a better background scenery. The only difference between reality and unleashed social media here, is that the families' sorrow is tangible and manages to contain the eagerness of the more reckless ones. In front of the monument and under today's sunlight, it is impossible to hide.

Le Carillon bar, on Alibert street. Photo: Marguerite Gallorini

In Alibert street, where is located the attacked Carillon bar and Le Petit Cambodge restaurant, there is a small crowd. We can still see bullets' impacts on the street's wall, next to mural drawings in memory of the victims. Here, the only person we can hear is a loud German TV presenter, speaking right in front of the improvised altar, while the crowd is set back. A couple of photographers do not use their zoom lens, and instead get as close as a few inches away from the candles and flowers for a better picture – sometimes getting in the way of people who came to add a candle. Doing one's job and taking a picture of a memorial does not have to be disrespectful in the process, there is just a way of doing it. But far from the busy ambiance of press conferences, here no one raises their voice against anyone. It would seem that pain is too great and numbs all animosity.

The 'route' between the attacked spots looks like a pilgrimage. Contrary to empty surrounding streets, those we heard over and over in the media are crowded : Alibert street, Bichat street, Faubourd du Temple street, Voltaire's boulevard. As for the Saint-Pierre Amelot passageway, from where some victims of the Bataclan ran away, it does not appear to attract much people. One barricade and one policeman gard it only ; a man, presenting himself with flowers and his passport, manages to enter the way after the policeman allowed him.

Memorial in front of Le Petit Cambodge restaurant.
Photo: Marguerite Gallorini

In Bichat street, a family is crying together, in an embrace, far from the memorial where all the attention is focused. It is hard to contain one's emotions next to such scenes. We go from tears to joy in a few steps only, the shops of these streets being open and busy. Life continues.

In Faubourg du Temple street, the A La Bonne Bière bar has its own memorial as well. The mood is much quieter here, there is nearly no media here either. There are a few curious ones, of course, and victims' families and friends. There is a small of incense. Bullets' impacts in the shop window of the Casa Nostra restaurant are still there. The Franprix store around the corner is exceptionally open, benefiting from the demand of flowers.

Cameras on the Renoir boulevard. Photo: Marguerite Gallorini

Along the Renoir boulevard leading to the Bataclan, we cross the way of a lot of other pilgrims. A man on his phone says he already came yesterday with a friend, and has come today again with his father. Flowers and candles are deposited at each end of the parc facing the concert hall – since the road space between the parc and the Bataclan is closed to the public, garded by a few policemen. Lines and lines of cameras are pointed at the street in a military way, right in front of the barricades, waiting for their presenters to come on the air. Delegations of vans are also parked close to the memorials, with very loud generators. Poor irony, it is so crowded that it is as hard to walk here as it is during a concert. Among people, a father is followed by his red-eyed teenage daughter. A couple of friends go around waving a ''Free Hugs'' sign.
 
Back on Place de la République, a small improvised group of musicians a few hours earlier has now turned to a happy accompanied choir. We could almost think we are at a festival. There is singing, some playing, some laughing, with a heavy heart that tries to be light. Two young men shout ''''Vive la France !'' taken in unisson by the surrounding crowd. ''Vive la République !'', ''Vive la Liberté !'', ''Vive la Fraternité !''. They laugh, and start a new song : ''La Vie en Rose'' by Edith Piaf. In a street bordering the plaza, someone asks his friend : ''Should we prepare for a follow up ?''. Most certainly, the State must prepare, and we are not the only ones in this case – far from it. Meanwhile, the French people can keep on singing and laughing : it is the best weapon of all.

Our thoughts to victims all over the Earth.

'Fluctuat Nec Mergitur': 'battered by the waves, it never sinks', Paris' slogan.
Photo: Marguerite Gallorini

Cet article fut écrit pour ce blog uniquement.

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