Wednesday, May 21, 2014

Nat Birchall - Live in Larissa


Released by his own Sound Soul and Spirit Record label, saxophonist Nat Birchall has chosen the dreamy landscape of Greece to record his very first live long play recording, Live in Larissa, released on vinyl and download only on 28 April 2014.

Inspired first by John Coltrane and others, Nat has then gone from Jazz and Hip Hop to Turkish Folk/Jazz and heavy Roots Reggae, finding his own voice along the road. He has already released three albums on Gondwana Records, and often plays with the label’s founder Matthew Halsall. Unusually enough for the UK musical scene, Nat‘s concept has been favourably compared to John Coltrane, Pharoah Sanders and Charles Lloyd.

This recording features pianist Adam Fairhall, vibist Corey Mwamba, drummer Paul Hession and bassist Nick Blacka from GoGo Penguin. The band met in the tiny Duende Jazz bar of the city of Larissa, and played there for two nights in May 2013, stimulated by the warm welcome of the audience.

On the opener ‘John Coltrane’, Nat‘s sound appears laser-like, bright and shiny; however, its slightly low tuning can spoil the listening at times. On this track the bass and vibes work well together, their round and metallic sounds bringing a soft touch to the whole. Another classic is featured: the fourth track ‘Journey in Satchidananda’, by Alice Coltrane, on which Nat stays close to the ’70s original recorded melody, as played by Pharoah Sanders.

Second is ‘Divine Harmony’ – the saxophone being back on the right tune, a relief for the ears. Nat plays a dreamy melody on a background of little drum rolls and wavy piano patterns composing an intriguing cloudy landscape. When Corey and his vibes takes over, it is clear that they perfectly fit with this prayer-like song – a perfect illustration of the artist’s mission to create a beautiful message from scratch.

Then comes the time to pay tribute to their host country and set sail for ‘Return to Ithaca’. Opening on wavy piano and rattles, we can just see the threatening sea around us, stressed by the cymbals’ urgent rhythm and the hypnotic syncopated two-note bass pattern. In his drums solo, Paul delicately plays on little stresses here and there, more intense and lighter at times, just as light raindrops would threaten to turn into a downpour without it ever happening.

The fifth track is the most modern musical one of all: ‘World Without Form’. On an accompaniment with no apparent rhythmical basis, the whole makes up a rather end-of-the-world atmosphere. At mid-song, the saxophone withdraws to leave the rest of the band uncertain in the darkness, hesitating, trying things, shyly calling each other, as if they were afraid of being heard too loudly… We continue into the darkness with ‘The Black Ark’, enlightened once in a while by welcomed tone modulations and a bewitching piano solo managing to introduce classic entertaining melodies into this obscure world.

We then end in style with ‘Sacred Dimension’, opening with a glamorous saxophone melody, Nat Birchall creating on a warm sound with beautiful vibratos. The piano and drums accompany him in an arrhythmical way, leaving him ample opportunity for a leisurely improvisation. This track has a sacred touch to it – a serene ending to a colourful journey.

This article appeared on AAAmusic.co.uk.


Sunday, May 4, 2014

Soirée hardcore à la Miroiterie

Pour les connaisseurs, il s'appelle « le Miroit' ». Situé au 88 Rue de Menilmontant dans le 20° arrondissement, ce squat artistique est le plus vieux de Paris, régulièrement menacé de fermeture. Toujours en activité, avec quelques concerts ça et là et un site internet pas forcément très performant, ce squat ne bénéficie pas de publicité comme le médiatisé 59 Rivoli, et ne s'adresse au contraire qu'à un petit club de connaisseurs, adeptes du bouche-à-oreille ; néanmoins il fait partie intégrante de la culture underground de Paris.

Effectivement, le lieu ne paie pas de mine. Un petit couloir extérieur sans lumière nous mène à une cour intérieure taguée et tarabiscotée où une cinquantaine de personnes discutent, bière à la main. Il est 20h30, le concert (24 mars 2014) est prévu depuis un quart d'heure mais ne commencera pas avant une demi-heure. Sylvain, qui m'a fait découvrir le squat, et son ami Cyril saluent leurs connaissances et entament la conversation.

Cyril revient tout juste d'un concert qu'il a aidé à organiser dans un squat à Birmingham. L'expérience fut hautement décevante : « Niveau organisation ils sont vraiment nuls. Quand je suis arrivé là-bas, le gars qui organisait le truc devait avoir 22 ans, un gamin. C'était sûrement papa-maman qui lui avaient donné des sous pour faire ça, et voilà, le mec avait aucune expérience. Plus jamais je refais ça. À la limite à Londres, ça peut passer, mais le reste c'est pas possible. » Pourtant, la culture underground anglaise est réputée mondialement, ce à quoi me répond Sylvain : « Et oui, mais ça devait être il y a 15 ans. Maintenant, les soirées les mieux organisées ressemblent à celle-là... Par contre en Allemagne, rien à voir, c'est le top. Ils te font des tampons sur la main, préparent un bac de bouchons d'oreille à l'entrée, etc... Vraiment bien, ces allemands. Ils sont doués niveau organisation, et puis ils ont aussi une forte culture de musique hardcore et de squats là-bas. » En effet, qui n'a pas entendu parler des fameux 
squats artistiques de Berlin ?

Côté population, il y a de tout à la soirée : punks, grunges, certains au look plutôt rappeur. D'autres encore ont l'air parfaitement « standard », à la limite du geek – une étiquette qui s'efface bien vite dès lors qu'on les voit se déchaîner, bras et jambes dans tous les sens, au rythme des basses du groupe de musique hardcore. Certains sont RMIstes, d'autres ont des jobs dans l'informatique, d'autres encore travaillent avec les enfants. C'est le cas de Sylvain, 30 ans, un grand bonhomme très calme animateur de centre de loisir, bientôt directeur. Il me dit : « C'est vrai que ce soir c'est très mixte, comme soirée, et il y a pas mal de filles d'ailleurs. Mais sinon il y a des codes pour chaque style, quand il y a des soirées plus thématiques : un soir il y aura tous les « gangstas », un autre tous les grunges, etc... c'est marrant. »

Sylvain me fait également part des difficultés grandissantes à organiser des concerts, lui-même en ayant monté un avec son ami Cyril l'an dernier. De plus en plus de salles ferment, augmentant le prix de celles qui restent – tout comme les péniches, qui jusqu'ici représentaient une alternative sympathique au squat : « C'était sympa, on était sur les quais de la Seine, à l'air, on pouvait se balader le long, c'était convivial. C'était bien d'avoir un changement de paysage et d'ambiance comme ça de temps en temps. » Auparavant les tarifs d'une location de péniche avoisinaient les 500 euros la soirée ; maintenant, cela a grimpé jusqu'à 800 euros. Ainsi le Miroit' reste la solution de repli, une valeur sûre ; mais malgré son charme grunge, même les fans de hardcore apprécient la diversité : « Du coup c'est vrai qu'on fait plus de concerts ici, puisque c'est un des endroits qui restent le plus disponible et abordable financièrement. Mais bon, à force, on connaît... c'était bien d'avoir la possibilité d'un changement de décor, avant. »

Des essais de micro et d'amplis se font entendre de l'extérieur, un morceau commence, et les gens s'engouffrent peu à peu dans la salle taguée. Sur le balcon intérieur faisant face à la scène se trouvent quelques personnes du staff, et un spot de lumière bougé à la main pour rendre quelques effets basiques durant le concert : tout est économe et sans machinerie superflue, ajoutant à l'aspect d'entre-soi du concert où presque tout le monde se connaît. J'aperçois également un trou dans le mur à droite de l'entrée de la salle, visiblement fait en deux temps trois mouvements avec une pioche : Sylvain m'explique que c'est pour permettre aux tenants du bar à l'extérieur de profiter aussi du concert. Un trou similaire se trouve dans les toilettes, donnant sur l'extérieur, pour que ceux qui y sont puissent continuer de parler avec les gens de dehors tout en ne découvrant que leur tête.

Bien que ce type de musique hardcore et les types de danses qui l'accompagnent aient l'air d'être violentes, l'ambiance est toujours bon-enfant. Ce que Sylvain appelle en plaisantant la danse « kung fu » qu'il pratique, c'est le « Mosh Pit » : une sorte de mélange de pogo, de Capoiera et de Free Fight, où les bras et les jambes volent dans tous les sens. C'est en fait plus un moyen de se défouler librement, puisqu'il est interdit de frapper les gens avec l'intention de faire mal, et que tout le monde s'entraide à se relever en cas de chute : et en effet, pas une fois n'ai-je vu quelqu'un ne pas avoir le sourire. Cyril me raconte : « Là ça va parce que tout le monde se connaît ; mais même des fois quand il y a des petits clashs, ils sont vite désamorcés. Par contre, côté physique, c'est sur que ça peut être dangereux : j'ai des potes qui se sont déjà fait casser des bouts de dents... J'en ai même un qui amène des prothèses dentaires aux concerts, comme au rugby ! »

Les premiers à passer sont un groupe nantais, Elephants, et mettent déjà bien l'ambiance. À première vue, on comprend mal les moments où tout le monde se met à danser violemment au centre de la pièce – et on est surpris étant donné que cela survient plutôt soudainement et sans crescendo annonciateur. Puis l'on finit par observer que l'élément déclencheur de ce déchaînement des passions est un ralentissement du rythme : en cela c'est véritablement une sous-culture, avec ses propres codes vestimentaires et pratiques rituelles.

Lors de la pause entre le premier et le deuxième groupe (Wolfpack, également français), tout le monde se rejoint dehors pour discuter. À un moment, quelqu'un en tenue et chapeau noirs nous distribue des tracts pour un concert qu'il a organisé – la meilleure publicité qui existe pour ce genre de concerts. Une fois éloigné, Sylvain me glisse à l'oreille : « Lui tu vois, c'est le bobo du hardcore. Il a des sous et il veut les mettre dans ce qu'il organise pour que ce soit bien fait – donc c'est bien, mais bon, c'est du genre chacun doit avoir sa serviette et tout, il est très old school hardcore on va dire. Mais là ça dénature même un peu le truc, au final... c'est juste trop. » Et bien, jamais je ne me serais doutée qu'il existait des « bobos du hardcore ».


Mais l'on me dit que le Miroit' va bientôt fermer. C'est une rumeur régulièrement entendue et recyclée depuis années ; seulement « cette année il y a vraiment beaucoup de pression », m'affirme Cyril. « Apparemment il y a des propriétaires qui voudraient racheter et retaper le bâtiment pour en faire une résidence universitaire, parce que les gens du quartier se plaignent du bruit. Mais honnêtement avec des étudiants à côté, ce sera pas simplement une soirée hardcore de temps en temps, mais des soirées étudiantes bruyantes toutes les semaines, je sais pas s'ils vont gagner au change... ! Je comprends vraiment pas pourquoi ils font ça. » Le Miroit', outre l'un des plus anciens squats de Paris (et intra-muros), est surtout l'un des rares à ne pas avoir été encore fondamentalement dénaturés – le prix en étant justement sa condamnation.

Cet article fut écrit pour ce blog uniquement.