Monday, March 14, 2016

Le coq de Cambridge, chef-d'œuvre ou symbole colonial ?

Héritage culturel complexe pour certains, symbole du colonialisme pour d’autres : un coq africain en bronze exposé à Cambridge va être rendu au Nigeria. Une décision qui divise la presse britannique.

Capture d'écran / Traditionalism Archive / Youtube

Il trône depuis 1930 dans le hall du Jesus College de Cambridge. Un coq de bronze, baptisé “Okukor”, pose problème à certains étudiants qui veulent que la sculpture soit rendue à l’Afrique de l’Ouest.

Cette demande de rapatriement a été faite en février par un collectif d’étudiants de Cambridge, estimant dérangeant ce symbole de l’héritage colonialiste du Royaume-Uni. La statue avait été volée à l’empire du Bénin – aujourd’hui le sud du Nigeria – en 1897 par un officier de l’armée britannique, qui l’avait ensuite cédée au Jesus College.

Le mardi 8 mars, l’université a accepté de renvoyer ce coq à un palais royal nigérian. Pour le quotidien Daily Mail, “rapatrier des objets d’art […] pour se faire pardonner de la colonisation est un piètre substitut à la reconstruction du monde moderne”.


Le passé est le passé


Le quotidien conservateur n’est pas d’accord avec ce postulat de réparation du colonialisme. Rappelant que “la gloire du Bénin s’est bâtie sur le commerce de l’esclavage”, le journal remet surtout en question l’argument de l’identité culturelle nationale pour le rapatriement de cette statue, alors qu’elle “a été créée au XIIIe siècle, bien avant la naissance de l’Etat moderne du Nigeria”.

Un autre journal conservateur, The Telegraph, embraie sur l’inconsistance de cet argument :

Même s’il était juste de demander aux Britanniques d’aujourd’hui d’être tenus responsables d’actions réalisées bien avant leur naissance (et ça ne l’est pas), comment un tel principe pourrait-il être appliqué de façon universelle ? Devrions-nous demander des comptes aux Danois et aux Norvégiens pour les raids vikings ? […] Le passé est le passé ; il ne peut être changé par des gestes contemporains déplacés.

Pour une reconnaissance de la valeur artistique


Le quotidien de centre gauche The Guardian, quant à lui, mélange perspectives colonialiste et artistique dans son analyse du débat. Il considère cette statue comme un “chef-d’œuvre” ; il est aussi d’accord avec le Daily Mail qui écrit qu’avec de telles restitutions “les musées du monde entier se trouveraient vides”.

The Guardian apporte toutefois une nuance : ce coq n’est pas dans un musée, ainsi sa valeur artistique est-elle niée. Le quotidien poursuit : “La façon dont le Jesus College expose ce coq est un héritage d’une époque que l’on ne regrette pas. C’est une œuvre d’art, mais elle est exposée comme une sorte de mascotte. Quelle condescendance.”



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