Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford / Picture: Wikimedia Commons |
Le gouvernement
provincial et les syndicats d’enseignants ont tous quelque chose à perdre s’ils
n’avancent pas avec prudence lors de ces négociations, selon des experts.
Le ministre
ontarien de l’Éducation, Stephen Lecce, a demandé aux syndicats
d'enseignants d'accepter la nomination d'un médiateur pour tenter de dénouer
l'impasse dans les négociations contractuelles. « Je crois qu'il
s'agit de la bonne approche, car elle a été mise en œuvre dans le cadre de la
récente entente conclue avec le SCFP, qui a contribué à faire en sorte que les
élèves demeurent dans un milieu d'apprentissage positif et sécuritaire »,
a déclaré le ministre dans un communiqué lundi soir.
Plusieurs
syndicats se disent disposés à travailler avec un médiateur, tout en ayant un
mandat de grève dans leur arsenal au cas où les négociations n’aboutiraient
pas. D’ailleurs, l'Association des enseignantes et des enseignants
franco-ontariens, le seul syndicat à ne pas avoir tenu de votes de grève
jusqu'ici, commence à s'impatienter aussi et estime que les pourparlers
semblent aller droit dans le mur.
Le gouvernement Ford est-il dans une impasse politique?
Il est vrai
que la cote de popularité du gouvernement
provincial n’est pas sensationnelle actuellement, et encore moins du côté des syndicats de
l’éducation. « Il y a toujours eu une relation difficile entre les
syndicats du milieu de l’éducation et le gouvernement, tous gouvernements
confondus », dit Geneviève Tellier, professeure titulaire à l'École
d'études politiques de l'Université d'Ottawa.
Aussi, la
population a généralement une certaine sympathie envers les syndicats de
l’éducation, surtout les parents qui « voient les services à leurs
enfants diminuer; ça aussi ça joue à l’avantage des enseignants ».
Les répercussions
politiques d’une grève pour le gouvernement Ford se feraient donc sentir. Mais
pas outre mesure, selon la politologue. « J’ai envie de dire :
ça peut pas être pire! »
« C’est sûr que, s’il y a une grève en ce moment, ça ne plairait pas à la majorité des gens; quoique ça pourrait plaire à certains quand même, parce que ça montrerait que le gouvernement [...] veut revenir à l’équilibre budgétaire et ne veut pas s’éloigner de ce plan-là, donc ça pourrait séduire une partie de l’électorat. »
- Geneviève Tellier, politologue
Comme les
prochaines élections provinciales sont dans plus de deux ans, elle pense que le
gouvernement aurait toujours le temps de redorer son blason.
Louis Durand,
professeur en relations industrielles à l'Université Laurentienne, n’en est pas
si sûr. « La base conservatrice dans la province semble avoir
vraiment diminué depuis les élections. »
Et le
gouvernement en est conscient, selon lui. « Depuis six mois, [le
gouvernement] semble être vraiment préoccupé par le taux de satisfaction et est
prêt à faire des concessions sur l’agenda politique pour améliorer sa
popularité auprès de l’électorat », note-t-il.
Ce qui joue en faveur du gouvernement Ford
Le professeur
souligne que, malgré une certaine sympathie de base pour les syndicats de
l’éducation, « si les associations syndicales allaient vers une grève
générale et illimitée sans prendre de précautions, sans avertir les parents et
ainsi de suite, ça pourrait faire basculer un peu de l’opinion publique du côté
du gouvernement ».
« La manière
dont les associations syndicales vont utiliser les moyens de pression est très,
très importante », ajoute-t-il. « Du côté du gouvernement, si on
a une approche trop rigide [dans] le secteur de l’éducation, les problèmes vont
continuer pour les deux prochaines années. » Chaque partie doit donc
jouer finement.
Le gouvernement,
au besoin, pourrait aussi faire adopter une loi spéciale pour forcer le retour
au travail des enseignants. La libérale Kathleen Wynne l’avait fait en 2015. « Le gouvernement Ford
pourrait aller jusqu’à cette étape-là. Par contre, je pense que, politiquement,
le gouvernement est très conscient que le prix à payer peut être très élevé »,
dit Louis Durand.
Geneviève Tellier
tient à rappeler que personne ne veut faire la grève, « mais les
discussions sont un peu bloquées en ce moment; donc [il y] a un besoin d’aide
externe, d’où la recherche d’un médiateur ».
Au final,
conclut-elle, ce qui jouera lors de ces négociations est « la
question de la crédibilité du message de Ford : est-ce qu’on croit que le
gouvernement veut gérer autrement, qu’il recule sur sa façon de faire de la
dernière année, et si oui, qu’en est-il de la menace de grève? »
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