Mairie de Saint-Loup-sur-Semouse / Photo: Marguerite Gallorini |
La plupart d'entre nous entendons parler de la crise des réfugiés à travers les journal télévisé plutôt que nos expériences personnelles. WMRA a déjà rapporté les vécus de nombreux réfugiés réinstallés en Virginie. Qu'en est-il du vécu des réfugiés dans d'autres parties tranquilles du monde, rarement couvertes par les médias ? Marguerite Gallorini nous emmène dans sa ville natale dans l'Est de la France, Saint-Loup.
Faites la rencontre de Hebaj Bore...HEBAJ BORE : J'ai 37 ans, je suis mariée ; j'ai deux enfants, un garçon et une fille. Je suis en France depuis deux ans et demi.… Et voilà Arjeta Gjoni.
ARJETA GJONI: Je suis professeure de langue et littérature albanaise. J'ai 33 ans, et suis arrivée en France le 8 septembre 2013.Arjeta et Hebaj sont réfugiées d'Albanie, et habitent à Saint-Loup, une petite ville non loin des frontières allemande et suisse. Pour raison de sécurité, elles ont préféré ne pas révéler la raison qui les a poussées à quitter leur pays.
Thierry Bordot et la ministre de l'écologie, Ségolène Royale / Photo: Thierry Bordot |
BORDOT: Parfois nous rencontrons des problèmes... même d'ordre psychiatrique, pour des familles qui ont déjà vécu des drames dans leur vie, et quand ils quittent leur pays, c'est dans des conditions parfois très compliquées pour eux. Et cet accueil psychologique des familles reste, à mon sens, encore à travailler pour leur permettre un épanouissement dans notre pays plus rapide.
Et tandis qu'Arjeta vient juste de recevoir ses papiers, Hebaj n'en a encore pas fini avec ça.
BORE: Pour la légalisation, ce n'est encore pas fait... J'attends, j'espère qu'un jour ça va venir, peut-être!Son rire nerveux cache une certaine anxiété. En effet, l'administration s'occupant des procédures pour obtenir le droit d'asile est de plus en plus engorgée, et peut prendre deux ans – voir plus. Tout commence avec l'OFPRA [l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides], en charge d'examiner la légitimité des demandes d'asile.
Ensuite, le Ministère de l'intérieur détermine où et comment les demandeurs sont réinstallés. Dans ce processus, Thierry Bordot confie que rien n'est communiqué aux maires de communes.
BORDOT: C'est entièrement géré en interne par les services de l'Etat et puis les bailleurs privés ou publics. Je pense qu'on peut l'expliquer par une forme de méfiance vis-à-vis du pouvoir local, qui, s'il était saisi en amont des décisions, certainement ne souhaiterait pas avoir à accueillir autant de réfugiés.Mais beaucoup de demandes ne sont pas acceptées – pour cause de preuve insuffisante de vrai danger envers les réfugiés dans leur pays d'origine, par exemple. Certains critiques accusent même l'OFPRA de ralentir, pour en fin de compte refuser des demandes d'asile légitimes. Selon le quotidien Les Echos, tandis que les autres pays européens acceptent en moyenne 45% de leurs demandeurs d'asile, la France n'en accepte que 22%. Après refus, qu'advient-il de ces réfugiés?
BORDOT: Les familles sont en situation d'être reconduites à la frontière. Mais ce n'est pas toujours effectif, car humainement, quand on a affaire à des familles avec des enfants, c'est toujours très compliqué humainement de reconduire à la frontière en utilisant la force publique ces familles-là. Donc en général, l'Etat laisse un peu faire les choses.
Anna Breysse, directrice de l'école primaire du Mont-Pautet / Photo: Anna Breysse |
Nous sommes maintenant à l'école primaire de Saint-Loup, en compagnie de la directrice Anna
Breysse. Elle m'informe de la banque de données institutionnelle en ligne appelée Casnav, qui produit des documents officiels traduits dans la langue des réfugiés. Mais elle avoue ne pas avoir beaucoup recours à cette aide.
ANNA BREYSSE: Pour les intégrer au mieux, je pense qu'il n'y a rien de tel que d'aller vers eux, de leur parler, même si c'est en anglais approximatif, même s'ils ne comprennent pas l'intégralité du discours. Je pense que c'est toujours mieux de créer du lien que de donner un papier, très bien écrit dans leur langue, certes – mais encore une fois, ça remet une barrière. Donc on a enlevé tout écrit pour communiquer avec ces parents, et on les choisit de préférence quand il faut faire une sortie scolaire, comme ça c'est une manière de les mettre en valeur.Les demandeurs d'asile ont des leçons de français quatre fois par semaine, et leurs logements sont proches de l'école et de la mairie, ce qui facilite leur intégration sociale. De cette manière, comme le confirment Arjeta et Hebaj, les autres parents interagissent plus facilement et tiennent les réfugiés au courant de la vie du quartier et de l'école.
GJONI: Il y a, je pense, tout, ici. Il y a beaucoup de solidarité, les gens aident beaucoup les demandeurs d'asile... Il y a beaucoup d'activités pour les enfants aussi. On a trouvé beaucoup de choses ici à Saint-Loup.Leurs enfants n'ont pas de problème à se faire des amis, en dépit de la barrière de la langue. Mais en classe, le français reste leur plus grand obstacle à surmonter. Donc, à Saint-Loup, un maître surnuméraire à mi-temps vient deux fois par semaine pour les faire travailler, selon leur besoins. Et cela s'avère efficace: après seulement quelques mois, ils peuvent intégrer une classe normale.
[enfants durant une activité en classe]
Pour le moment, Hebaj espère avoir bientôt une réponse positive à sa demande d'asile; quant à Arjeta, elle espère pouvoir continuer à travailler avec les enfants, comme elle le faisait en Albanie. Désormais, la Commission européenne souhaite réformer le système actuel pour standardiser et désengorger les procédures à travers l'Europe – pour rendre la tâche plus facile pour tout le monde.
***
Cet article et podcast fut publié (en anglais) sur WMRA.org,
Téléchargez-le sur Through Gallo Eyes Media.
Téléchargez-le sur Through Gallo Eyes Media.
No comments:
Post a Comment